Au milieu coule la Seine
Un joyau architectural méconnu : la cité-jardin d’Élisabethville
Nichée au cœur d’Aubergenville, sur la plaine alluviale, aux abords de la gare, la cité-jardin d’Élisabethville recèle un trésor architectural souvent ignoré : ses maisons au charme intemporel. Débutée en 1921 sous la forme d’un lotissement lié à une société anonyme belge et baptisée en l’honneur de la reine des Belges – Elisabeth de Bavière, épouse d’Albert 1er - en 1927, cette cité de villégiature a su préserver son cachet au charme unique que l'on perçoit encore aujourd'hui.
Une station balnéaire à 45 minutes de Paris …
Surnommée « la plus belle cité-jardin de la grande banlieue parisienne », à 41 km de Paris, le long de la Seine, rive gauche elle est implantée le long de rues rayonnant à partir de la place de l’Etoile. Elle est constituée à l’époque, en plus de 150 villas, d’un golf, d’un casino-théâtre et même d’une plage artificielle. Plus accessible que les plages de Normandie, elle offre un lieu de villégiature aux Parisiens des nouvelles classes moyennes.
La réalisation complète du projet fut soumise aux aléas de la crise de 1929 et resta confinée entre la voie ferrée et la Seine. Au détour de rues délicatement arborées, le promeneur aux aguets découvrira des pavillons semblant sortis d’un autre temps. Ces habitations, de superficie assez réduite, véritables signatures d’Élisabethville, se distinguent par leur architecture singulière. Avec leurs portes cintrées en façade, leurs toits brisés en pavillon et leurs lucarnes originales, elles offrent une vision architecturale aussi charmante qu’harmonieuse. Loin d’être monotones, car toutes singulières, ces maisons jouent sur les détails pour créer une diversité visuelle. Ici, un bow-window apporte une touche d’originalité ; là, une loggia invite à la contemplation ; plus loin encore, une corniche moulurée en bois attire notre œil. Les façades latérales, plus diversifiées, ajoutent une dimension supplémentaire à ces demeures de style néo-normand.
Les premières maisons ainsi que le plan radioconcentrique sont l’œuvre de l’architecte Charles-Édouard/Edmond Sée. D’autres artistes célèbres ont contribué à des bâtiments spécifiques dans la cité, comme Paul Tournon, qui a construit en 1927 l’étonnante église Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus ornée des gigantesques sculptures de Carlo Sarrabezolles, spécialiste de la taille du béton en prise directe.





… de logis en logis …
C’est sur le domaine de la Garenne de près de 200 hectares que ce site de villégiature vit le jour dans le parc de l’ancien château. Reconnaissons à ce projet de lotissement urbain sa remarquable singularité en ces années d’après première guerre mondiale.
Pour les amateurs d’architecture plus cossue, cinq exemplaires de maisons spacieuses ponctuent le paysage. Avec leur porche soigné, leur décor élaboré et leur recherche de symétrie, elles témoignent de la diversité sociale qui caractérisait Élisabethville à ses débuts.


Si ces maisons ont traversé le siècle, elles n’en sont pas moins adaptées à la vie moderne. Leur agencement intérieur, bien pensé, offre généralement une pièce à vivre et une cuisine au rez-de-chaussée, tandis que l’étage accueille deux confortables chambres. Dès ses débuts, des villas à exemplaire unique participaient à l’originalité du projet urbanistique telles la villa « Bois Fleuri » et la villa « Les Chênes ». Une impression d’harmonie distille un sentiment de cohésion malgré les évolutions stylistiques au fil du temps. De béton, de meulière ou de brique, ces maisons – près de 250 en 1940 – ont toujours su conserver une unité. Avec ses équipements innovants et certains monuments Art Déco, la cité-jardin d’Élisabethville reste un modèle.
… une utopie d’aménagement de vie
Témoin représentatif d’une époque où l’architecture résidentielle cherchait à allier esthétique et fonctionnalité, ce lotissement de maisons s’inscrit dans le mouvement des cités-jardins, qui prônait une intégration harmonieuse entre habitat et nature. Originalité de ce concept urbanistique qui offrait l’association du cadre de vie à la modernité des équipements, la proximité du lieu de travail à la mixité sociale.
Alors qu’Aubergenville poursuit sa mutation, Élisabethville reste un témoignage vivant de l’urbanisme du début du XXe siècle. Cette cité-jardin avec son cortège de maisons, loin d’être de simples vestiges du passé, continuent d’abriter des familles et de faire battre le cœur de ce quartier original. À l’heure où le patrimoine architectural doit être plus que jamais valorisé, Élisabethville mérite assurément le détour. Aujourd’hui, ces maisons sont reconnues pour leur valeur patrimoniale et continuent d’attirer l’intérêt pour leur charme historique et architectural.
Envie de dépaysement ? Offrez-vous un voyage-retour dans les années 20. Rendez-vous à la gare Saint-Lazare, prenez le train de Rouen et, quarante minutes plus tard, descendez à la station Aubergenville. Bienvenue à Élisabethville ! Fermez les yeux. Visualisez sa plage, son casino, ses hôtels, son kiosque à musique, son golf, ses commerces. Vous souhaitez rester ? Achetez un de ces délicieux pavillons noyés dans la verdure dont l’architecture vous transportera en Normandie ou ailleurs. Évidemment, à vous de solliciter votre imagination pour retrouver l’atmosphère des années folles. Une balade dans ces rues est un voyage dans le temps, une plongée dans l’histoire architecturale des Yvelines. Ne manquez pas ce joyau discret, témoin silencieux mais éloquent d’une époque révolue mais pas oubliée.