Rambouillet, l’Authentique
Septeuil et sa nymphe : un secret bien gardé des Yvelines
Oubliez les sentiers battus et les guides poussiéreux : aujourd’hui, nous vous emmenons à Septeuil, là où l’eau murmure encore à l’oreille des curieux et où une nymphe de marbre veille sur les secrets du passé. Prêts pour une plongée dans l’histoire et le merveilleux ?
La nymphe de Septeuil : la déesse cachée des Yvelines
Imaginez : un matin brumeux, la Vaucouleurs file entre les herbes folles, et
soudain, au détour d’une route, surgit une statue alanguie, drapée à
l’antique, tenant un vase d’où jaillissait autrefois un filet d’eau pure. Non,
vous ne rêvez pas : vous venez de croiser la fameuse nymphe de Septeuil,
découverte par hasard en 1984 lors de travaux routiers qui ont mis au jour
un véritable trésor gallo-romain. Remontons le temps : au I er siècle de notre
ère, les Romains bâtissent ici un nymphée, sanctuaire dédié aux déesses
des sources et des bois, ces nymphes que l’on croyait capables de guérir et
de protéger. Les pèlerins venaient s’y recueillir, portés par la rumeur d’eaux
miraculeuses. La statue, en marbre blanc de Carrare, trônait dans une
niche, les pieds sacrifiés pour l’adapter à sa nouvelle demeure. Son hydrie
– ce vase élégant – n’était pas qu’un accessoire : l’eau de la source y
passait, animant la pierre d’un filet vivant, comme si la nymphe elle-même
offrait l’eau aux visiteurs. « Nymphe, qui t’enfuis dans la lumière / Et dont la
fuite est un secret. »… Ces vers de Paul Valéry, soufflés comme un écho à
travers les feuillages, semblent avoir été écrits pour la nymphe de Septeuil :
gardienne insaisissable, toujours présente et pourtant déjà ailleurs, glissant
entre ombre et lumière, entre histoire et légende.


Quand les cultes venus d’Orient s’invitent !
Mais attendez, l’histoire ne s’arrête pas là ! Car Septeuil n’a pas seulement
abrité des nymphes rêveuses : il fut aussi, le temps d’un souffle de
l’Histoire, le théâtre d’un culte bien plus mystérieux, venu d’Orient… Oui,
vous avez bien lu : entre les brumes de la Vaucouleurs et les murmures de
la source, c’est le dieu Mithra lui-même qui a trouvé refuge ici, dans un
sanctuaire secret, un véritable mithraeum. Imaginez la scène ! Nous
sommes dans la seconde moitié du IV e siècle, le sanctuaire antique, en
pleine transformation, voit ses murs déplacés, ses colonnes démontées,
ses espaces réinventés. C’est là que le mystère s’épaissit. Lors des
fouilles, on retrouve des morceaux de bas-reliefs : Mithra terrassant le
taureau (la fameuse tauroctonie), Aïon le dieu du temps, Mithra surgissant du rocher, les Dadophores porteurs de flambeaux, Luna la lune… Toute la
mythologie persane et romaine s’invite à Septeuil ! Le culte de Mithra,
réservé aux hommes et entouré de rites secrets, fascinait déjà les soldats
romains. Ici, on se réunissait pour des banquets nocturnes, des sacrifices
d’animaux (surtout des volailles) et des cérémonies initiatiques dont le
secret reste bien gardé. Peu d’écrits ont traversé les siècles pour raconter
ces mystères : tout se transmettait à voix basse, dans la lueur vacillante
des torches, entre initiés. On imagine les chuchotements, les promesses
d’éternité, les serments échangés sur les banquettes de bois… À Septeuil,
l’eau n’était pas la seule à couler en silence : le secret, lui aussi, filait entre
les pierres.

Un sanctuaire où l’eau était reine
On raconte qu’une jeune fille, égarée dans la forêt, fut guidée par la
nymphe jusqu’à la source : une histoire de guérison, de chance et de
gratitude qui flotte encore dans l’air, entre deux chants d’oiseaux. D’autres
murmurent que l’eau, à qui sait l’écouter, pouvait révéler l’avenir… De quoi
attirer, au fil des siècles, rêveurs, amoureux et même quelques artistes en
quête d’inspiration. Au XVIIIe siècle, la « grotte des Amoureux » voisine
aurait abrité des rendez-vous clandestins, tandis qu’au XIXe, les « Nuits de
la Nymphe » illuminaient la source de centaines de lanternes : une féerie
nocturne qui faisait courir tout le village. Aujourd’hui, la nymphe n’est plus
seule : moulage fidèle à l’original, conservé au Musée d’Archéologie
Nationale du Château de Saint-Germain-en-Laye, elle accueille les
promeneurs dans une restitution du sanctuaire, à deux pas du parking de la
RD 983. Le site, libre d’accès, invite à la flânerie : on y observe la flore, on
écoute le clapotis de l’eau, on rêve devant la silhouette alanguie de la
déesse. Les sentiers alentours vous mèneront à travers les paysages
bucoliques des Yvelines, parfaits pour une pause nature ou une chasse aux
légendes.
Voilà, la nymphe n’était pas seule à veiller sur Septeuil : elle partageait son
sanctuaire avec les ombres d’un dieu solaire venu de loin, et avec les
hommes qui rêvaient d’immortalité. Un carrefour de croyances, un creuset
de légendes… et un mystère de plus à glisser dans votre besace de
promeneur curieux. Parce que la nymphe de Septeuil, c’est bien plus
qu’une statue : c’est une passerelle entre l’Antiquité et aujourd’hui, entre le
sacré et le quotidien, entre l’histoire et le merveilleux. C’est un lieu où l’on
vient pour l’étrangeté, la beauté, la sérénité – et où l’on repart, un peu plus
rêveur qu’en arrivant. Alors, la prochaine fois que vous passerez par
Septeuil, arrêtez-vous. Tendez l’oreille. Peut-être entendrez-vous, dans le
murmure de la source, la voix d’une nymphe qui n’a jamais cessé de veiller
sur son village.
